MISSION REASSURANCE

Durée de la vidéo : 3:40 min

(Plan sur le caporal Mark Vigneault, un homme au visage rond, assis dans un fauteuil brun et portant son uniforme bleu de l’Aviation royale canadienne)

Caporal Mark Vigneault : Je suis le caporal Mark Vigneault et j’étais, à l’époque, un technicien en équipement de sécurité pour équipage de vol, c’est-à-dire les équipements de pilote, entre 2014 et début 2015 pour le 425^e Escadron tactique d’avions de chasse.

(Apparition des mots « Implication sociale » à l’écran)

Caporal Mark Vigneault : On peut sembler que lors de la libération, que ça soit en ’91, que la Lituanie a repris un cours normal. Aussi, même les trois pays baltes, mais on sent encore les vestiges, si je peux me permettre, de ce qui est arrivé pendant ces longues années-là. C’est un peuple qui a souffert, et ça, y faut en être conscient. Faut les respecter aussi. Également, on le voit dans les infrastructures. Dans les pays qui sont plus alentour de la capitale ou un petit peu plus éloignés, on peut voir que c’est encore très rustique, très rudimentaire. L’attachement aux valeurs de la Terre qui vient un peu de ce système politique-là qu’ils ont vécu.

Et lors du transfert de Roumanie en Lituanie, qui est devenu opération REASSURANCE, à cette époque-là, on devait s’impliquer au niveau de la société. Qu’est-ce qu’on a décidé de faire, c’est d’envoyer des gens. On a vu un orphelinat, à Šiauliai, et on s’est dit : « Ben on pourrait peut-être les aider. » Vous savez, c’est quand même un pays qui est très dur économiquement, qui fait tout pour s’en sortir, et lorsque vous arrivez sur place, ça coûte énormément cher parce que ce sont des jeunes de zéro à six ans. Des jeunes qui n’ont rien, qui ont été abandonnés, et on veut essayer de leur faire passer un bon moment. Pour nous, les fins de semaine, c’était d’aller les voir, d’offrir des couches, par exemple. C’est une denrée rare. Nous, on le prend pour acquis, mais eux autres là-bas, des couches, c’est tout l’or du monde. Et avec des soixantaines, peut-être des centaines de jeunes qui sont là-bas, ça coûte énormément cher. Ils ont pas nécessairement les moyens de se le payer.

Et c’est très difficile, les histoires qu’on entendait là-bas… Je pouvais pas croire que ça arrivait. On voit un enfant… je pensais… je croyais qu’il avait 13 ans, mais y’avait 6 ans. De la misère à bouger. Victime de maltraitance autant de la part… abandonné par ses parents, ensuite retiré de sa grand-mère, par exemple. Toutes des histoires comme ça qu’on entend, pis tu dis ça se peut vraiment pas. Et tu prends le temps d’arriver, de prendre cet enfant-là, qui dort et y’est paisible. Tu vas le voir, t’en prends soin. Tu y parles. Même si y te comprend pas, tu lui parles. Ça te fait du bien aussi, également, peut-être juste d’entendre la voix de quelqu’un d’autre. Même si y comprend pas, y sent que quelqu’un s’intéresse à lui. Mais c’est comme ça pour toutes les jeunes qui sont là.

Pis ils ont… On a tous droit à un Noël. Peu importe qu’on croit ou non au père Noël. Pour nous, on était un peu ça, parce qu’avec les autorités sur place, les pompiers, les policiers, nos partenaires aussi, on était avec le Portugal. Y sont venus nous voir et on a fait un joyeux Noël en milieu décembre 2014. On a acheté des cadeaux, y’avait le père Noël, y’avait toutes sortes d’activités… Par exemple, juste de pouvoir s’amuser avec un enfant, des p’tites marionnettes qu’on se met dans la main, pis on joue avec un enfant. On n’a pas besoin de se parler, y comprend pas le français ou l’anglais, y parle le lituanien, mais juste prendre un 10 minutes et de faire un petit scénario avec cette personne-là. Juste à se regarder dans les yeux, le sourire que cette personne-là peut avoir.

Durée de la vidéo : 1:54 min

(Apparition des mots « Une force humanitaire » à l’écran)

(Plan sur le caporal Mark Vigneault, un homme au visage rond, assis dans un fauteuil brun et portant son uniforme bleu de l’Aviation royale canadienne)

Caporal Mark Vigneault : Plusieurs événements ont été quand même assez marquants. Lorsque vous êtes à vos débuts au niveau des missions, vous savez que vous partez pour plusieurs mois, plusieurs semaines, et à l’intérieur de notre mission, ce n’est pas seulement une mission disons tactique. C’est également une mission humanitaire. C’est quand même assez important que la communauté, les Forces armées canadiennes ou que ça soit au niveau aérien, de s’impliquer au niveau de la population et ça nous amène à rencontrer les gens. Aller les voir et, également, s’impliquer au niveau social.

Comme par exemple, à Šiauliai où ce qu’on était en Lituanie, on a pu assister à des plantations de croix sur la colline des Croix, qui a été une expérience mémorable parce que ce site représente énormément pour eux. C’est une montagne avec plein de croix parce que ce sont des gens qui sont très croyants. Et durant l’occupation russe, et bien on a décidé de carrément enlever toutes ces croix-là. Et pendant la nuit, on a replanté des croix à cette époque-là. Et nous, quand on a su cette histoire-là, on a décidé de faire, nous aussi, notre part. On a offert une croix au nom du Canada avec une cérémonie officielle, avec des gens de l’endroit à Kaunas et aussi des militaires sur place. Ç’a été une expérience qui était quand même assez enrichissante. Et c’est un peu un lègue du Canada et de tout ce que l’on représente sur place. On a été aussi actifs dans différents endroits, ce qui amène un côté humain, beaucoup que ce que les gens peuvent voir d’un représentant d’une force militaire. On est aussi une force humanitaire.

Durée de la vidéo : 2:10 min

(Plan sur la lieutenante-colonelle Laura Gagné, une femme au visage mince et aux cheveux roux attachés derrière la tête. Elle est assise dans un fauteuil brun et porte son uniforme bleu de l’Aviation royale canadienne)

Lieutenante-colonelle Laura Gagné : Je m’appelle lieutenante-colonelle Laura Gagné et je suis la commandante du 2^e Soutien à la mission ici à Bagotville. Ici à Bagotville, en tant que commandante du 2MSS [Mission Support Squadron, Escadron de soutien de mission], je dirige une équipe de soutien. Nous sommes une équipe composée de logisticiens et d’ingénieurs. Lorsque j’ai été déployée, j’étais le commandant de l’équipe d’activation et de recherche de l’aérodrome, et nous nous déployons, nous accomplissons et nous faisons les mêmes tâches que nous faisons ici, c’était juste opérationnel.

(Apparition des mots « Un souvenir marquant » à l’écran)

Lieutenante-colonelle Laura Gagné : Mon meilleur souvenir de cette opération est que, le 17 juillet, j’ai pris le commandement du 2^e Escadron de soutien de mission et que 10 jours plus tard, le 27 juillet, j’ai été déployée avec mon équipe. C’était quelque chose, c’est quelque chose de se déployer en tant que commandant de son équipe dans une zone opérationnelle. C’est exactement ce pour quoi nous nous entraînons, c’est ce que nous sommes là pour faire et rencontrer mon équipe dans une atmosphère de déploiement, c’est vraiment un environnement de travail différent de celui d’une base ou d’une escadre. C’est un environnement opérationnel, c’est donc la mission, l’équipe se réunit, nous travaillons ensemble, nous mangeons ensemble. Nous passons beaucoup de temps ensemble, nous apprenons à nous connaître et c’est une très bonne occasion pour une commandante de le faire.

(Apparition des mots « Un obstacle à franchir » à l’écran)

Lieutenante-colonelle Laura Gagné : Le plus grand obstacle était le fait que nous partions de zéro. Normalement, nous prenons en charge les opérations de l’OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) et nous les partageons avec nos partenaires dans des blocs de temps pour la police aérienne renforcée. Cette fois-ci, il n’y avait personne sur place, rien n’avait été mis en place, nous avons donc dû repartir de zéro. Dans certaines zones, il y avait des mauvaises herbes de deux mètres de haut. Nous avons dû en enlever beaucoup et repartir de zéro. Le contrat, normalement tous ces bâtiments, les remorques que j’ai mentionnées sont déjà en place et sont simplement repris d’une nation à l’autre, mais avec le Canada qui est arrivé et qui est reparti de zéro, c’était une période très chargée pour l’équipe, ajoutée aux restrictions du COVID, c’était quelque chose d’assez impressionnant d’arriver et de remplir notre mission.

Durée de la vidéo : 4:14 min

(Plan sur le capitaine Nicolas Beauchemin, un homme aux cheveux bruns foncés assis dans un fauteuil brun et portant son uniforme bleu de l’Aviation royale canadienne)

Capitaine Nicolas Beauchemin : Padre Beauchemin, capitaine Beauchemin. C’est moi qui a été le padre sur la mission Op REASSURANCE en Roumanie en 2020. Alors le rôle d’un padre, c’est celui du bien-être moral des troupes. De conseiller la chaîne de commandement, donc travailler beaucoup avec l’adjudant-chef, avec aussi le commandant pour être sûr que la troupe va bien, que le moral est bon. Pis dans le fond, le bien-être moral et le bien-être spirituel.

(Apparition des mots « L’esprit de corps » à l’écran)

Capitaine Nicolas Beauchemin : Le défi majeur, c’était bien sur la question du COVID là. Ç’a été quand même assez difficile pis lourd par moment, qui fallait trouver une force de résilience, voir que certains, des fois, pouvaient être plus affectés du fait que même un moment donné, la cafétéria a dû fermer ses portes. Fait que, pendant une semaine environ, on mangeait des rations pack [paquet de rations] parce que fallait être sûr de pas propager le COVID. Alors ça, ça été peut-être plus le défi numéro un de faire en sorte de dire : « Ouais on va traverser ça ensemble, on va se tenir ensemble c’est normal qu’on aie des restrictions [inaudible]. Une fois que notre bulle va être bien étanche, on va peut-être pouvoir plus avoir de liberté et retrouver notre cuisine. »

Faut penser aussi que quand on est en mission, comme je disais, notre routine est complètement changée, mais moi c’était ma première mission. Aussi, j’ai réalisé jusqu’à quel point que même si je suis fait fort au niveau de la question de résilience, pis de m’adapter à toute sorte de situation par mon métier, que quand on voit pas nos enfants, quand on voit pas notre conjointe, quand un moment donné un mois, deux mois, trois mois, c’est beaucoup plus difficile d’être à l’écoute de ses émotions pis d’être à l’écoute de ce qui peut se brasser en dedans; pis ça prend des fois une étincelle pour venir nous atteindre davantage. Fait que, je pense que la job du padre ou de vraiment travailler en équipe devenait encore plus importante. D’être sensible à ce que chacun peut vivre.

En mission aussi, l’entraide des uns les autres, y’en a des fois qui venaient me parler, me dire « J’ai tel ami dans ma chambre qui semble peut-être vivre telle problématique », alors c’est ça un peu l’esprit de corps. C’est de dire je pense que y’a un doigt qui est foulé, qui va pas bien, pis là je peux aller voir la personne pis peut-être plus facilement aider. Ça marche comme ça aussi, veut, veut pas, sur la base, mais la proximité, comme je disais, fait en sorte que on peut peut-être plus voir certains bobos que le corps peut avoir quand on est à proximité pis 24 heures sur 24.

Je dirais, tsé, dans l’armée, ce qui est intéressant aussi, y’a tout le côté du respect des traditions. L’importance de la symbolique, de donner du sens. Bien c’est un peu ça quand on parle de la dimension spirituelle. Alors l’aspect religieux, je vous dirais y’en a toujours quelques-uns. Au niveau de l’Armée américaine y’étaient contents de m’avoir parce que eux on voit que vraiment y’a une pratique qui est peut-être encore plus forte, mais sinon je vais vous dire que, quand je vous disais des partys de Noël, tous les rituels qu’on peut avoir pour donner du sens étaient là. Alors les gens vont continuer de s’adapter à trouver un rituel qui ne sera pas nécessairement religieux, mais qui va être capable d’apporter une joie, une camaraderie, une capacité. Alors l’aspect spirituel, pour moi, il est toujours là. Alors c’est là qu’il est important d’avoir un padre qui est capable de s’adapter et d’apporter quelque chose de signifiant pour les troupes dans lequel ils vont pouvoir se ressourcer et trouver ce qui donne sens à leur vie. Alors que ce soit Dieu, une énergie, une philosophie de vie, ça m’importe peu. L’important pour moi, c’est de vraiment nourrir et soigner cette dimension spirituelle.